Réflexion sur l’oubli d’attache en parapente

Chaque année, plusieurs pilotes perdent la vie après avoir oubliés de s’attacher correctement dans leur sellette. Ce ne sont en général pas des débutants …

Lors d’une soirée sécurité organisée par le CDVL74, un rapide sondage du public a révélé que 15% d’entre eux ont déjà décollé avec un oubli total ou partiel d’attaches.

LES CAUSES et LES CONSEQUENCES

Les causes à ces oublis peuvent être nombreuses et très variées :

  • Être dérangé pendant sa préparation
  • Se préparer dans l’urgence
  • Ne pas être à 100% de sa forme
  • Avoir des soucis d’ordre personnel et/ou professionnels
  • Rater un décollage et se détacher en partie pour remonter plus facilement

A voir, le film « sécurité » de la FFVL : S’attacher, c’est vital !

https://www.youtube.com/watch?v=2bdZJeWiTos

Les autres films sécurité de la FFVL sont disponibles sous : https://federation.ffvl.fr/pages/parapente-films-securite

En règle générale, en cas d’oubli (pour diverses raisons) et durant la phase de décollage, la sellette « remonte » dans le dos lors de la montée de la voile et la sangle ventrale vient se coincer sous les bras du pilote qui se retrouve alors dans une situation imprévue et surprenante, et risque de se faire emporter à une altitude suffisante pour commencer à être dangereuse (plusieurs mètres). Une fois coincé, et si l’aile continue une trajectoire s’éloignant du relief, le réflexe sera de vouloir verrouiller les bras pour maintenir le blocage et tenter d’aller se poser. Malheureusement cette position ne peut être maintenue plus de quelques minutes car les sangles compriment les artères situées sous les bras et empêchent donc les muscles d’être alimentés correctement en afflux sanguin pour maintenir le blocage : les bras vont donc finir par s’ouvrir d’eux-mêmes malgré la meilleure volonté du monde …

Il existe différentes techniques à mettre en œuvre si cela vous arrive un jour :

  • Remonter dans la sellette en agrippant les élévateurs avec les pieds. -> nécessite de l’entraînement, une bonne condition physique, et une mise en œuvre très rapide pour ne pas être fatigué.

En vidéo : https://www.youtube.com/watch?time_continue=20&v=j6BKfNpK19U

  • Effectuer un retour rapide vers la pente ou les arbres pour limiter le temps passé dans cette position et tenter un arbrissage. -> il peut toutefois être difficile de manœuvrer l’aile si on a lâché les freins, ce qui sera probablement le cas si vous vous retrouvez dans cette situation (voir photo ci-dessus) …

A chacun de voir …

Il se peut aussi qu’aucune sangle ne soit attachée, et où la simple pression des sangles d’épaules puissent donner l’impression d’avoir enfilé sa sellette complètement ! Dans ce cas-là, lorsque la sellette remontera, il suffira de tout lâcher et relevant les bras pour que la sellette puisse librement remonter jusqu’à sortir sans se coincer, ou bien de faire la même chose (bras hauts pour sortir ne pas se faire coincer) en gardant les freins de manière à décrocher la voile.

A voir : Un pilote sort de sa sellette au décollage après s’être aperçu qu’il n’était pas accroché.

https://www.youtube.com/watch?v=M-lT6Rw9m8k

Attention également à la sangle de poitrine, qui malgré son apparente faible construction (petit clip plastique) peut se révéler suffisamment solide pour venir se coincer sous la tête ou la mentonnière d’un casque intégral par exemple (dans le cas d’un oubli d’accroche), et générer un blocage suffisant pour empêcher la sellette de s’échapper par le haut comme présenté ci-dessus.

Même si on constate que toutes les causes recensées jusqu’alors sont d’origine humaine, les fabricants se doivent d’intégrer ces aspects dans leur conception afin de proposer des solutions techniques qui permettent d’éviter le pire dans le cas où le pilote se retrouverait dans l’une des situations décrites ci-dessus.

Les solutions décrites ci-après se veulent généralistes pour vous permettre de comparer les solutions existantes chez les différents fabricants. Les remarques fournies ne concernent que l’aspect d’accroche des boucles et non les qualités intrinsèques de telle ou telle sellette.

SOLUTIONS TECHNIQUES : La géométrie des sellettes

Sellette avec sangles de cuisses + ventrale distinctes

C’est sans doute la géométrie que la majorité de pilotes connaissent, et c’est aussi celle qui pourra générer le plus de problèmes !

Sur ce type de géométrie, il y a 3 points distincts à attacher pour fermer complètement la sellette : la ventrale, et les 2 cuisses. Contrairement à ce que l’on peut penser, ce sont les cuisses (et non la ventrale) qui sont les plus importantes au décollage car ce sont elles qui empêchent la sellette de remonter dans le dos et de laisser la ventrale venir se coincer sous les bras.

A ce jour, la grande majorité des sellettes disposant de cette géométrie sont équipées d’une sangle « anti-oubli » (en rouge sur la photo) qui est attachée à la sangle de l’une des cuisses et dispose d’une partie de la bouclerie qui permettra de verrouiller la sangle ventrale. Ainsi, même si les cuisses ne sont pas fermées au décollage, ou si elles sont réouvertes ultérieurement (comme après un décollage raté pour faciliter la remontée à pied), cette sangle empêchera la sellette de remonter trop haut dans le dos. Il sera alors potentiellement possible de se rassoir correctement dans la sellette en s’aidant des mains, et de refermer les boucles restées ouvertes. Attention toutefois à la longueur de cet anti-oubli, car plus il est long plus le pilote se retrouvera bas et ne pourra potentiellement plus utiliser les freins sans risquer de faire décrocher la voile !

Sellette avec ancrage en « V »

Cette solution technique utilisée dans de nombreux modèles de sellettes actuelles, permet de pallier l’oubli d’attache de par sa conception propre. En effet, dès lors que l’une des sangles est attachée, il devient alors impossible de tomber de la sellette.

En fait, on peut considérer que les 2 sangles de cuisse sont solidarisées de la ventrale, et par conséquent que l’anti-oubli présenté précédemment est intégré.

La position ne sera pas confortable (c’est sûr !), mais évitera toute chute intempestive.

ATTENTION : En fonction de l’assise de la sellette (planchette, cuissardes séparées, hamac), la position du pilote pourra générer une asymétrie au niveau de la sellette, qui entraînera certainement une mise en rotation de l’aile.

Sellette à enfiler (sans boucles)

On retrouve cette solution technique sur beaucoup de sellettes montagne ou de marche&vol, où les boucles ont tout simplement été enlevée pour gagner du poids, mais pas seulement.

Pour la Kolibri par exemple, elle a volontairement été conçue sans boucles de fermeture pour limiter au maximum tout risque d’oubli d’accroche pour le public cible d’origine, à savoir les pilotes de compétitions marche&vol ou de vol bivouac. En effet, les effets de la fatigue accumulée lors des marches plus ou moins longues, et dans la précipitation pouvant être générée dans les phases de préparation au décollage (compétition, conditions changeantes, renforcement du vent, etc …) peuvent être à l’origine de nombreuses causes d’oubli d’accroche. Des pilotes tels qu’Antoine GIRARD nous l’ont confirmé de manière certaine.

Ces sellettes peuvent donc s’avérer moins faciles à enfiler, mais c’est aussi un gage de sécurité supplémentaire au vu des utilisations pour lesquelles elles ont été conçues.

Il existe donc différentes solutions techniques fournies par les fabricants sur les modèles de sellettes disponibles actuellement sur le marché, et il vous appartient de bien vous renseigner lors d’un achat.

AUTRE CAUSE POSSIBLE : Oubli par Occultation

Comme nous l’avons vu plus haut, l’une des causes majeures est l’oubli pur et simple (pour différentes raisons).

Un autre risque majeur est sans doute l’oubli par « occultation ». Certains accessoires que l’on vient rajouter sur les sellettes peuvent occulter en partie ou complètement la zone où se trouvent les sangles de cuisses et les boucles. Et lorsqu’on perd la vision de cette zone, le risque d’oublier d’accrocher les boucles de cuisses se trouve augmenté.

C’est le cas notamment des cocons équipant les sellettes, des parachutes de secours ventraux, des cockpits, …

Il existe là aussi certaines solutions proposées par les fabricants pour pallier ces oublis éventuels.

ACCESSOIRES ANTI-OUBLI

Les cocons

Les cocons ne peuvent pas directement être considérés comme des accessoires, car ils font souvent partie intégrante de la sellette. Leur utilisation peut cependant facilement générer des oublis d’accroche.

En général (!) les pilotes prennent soin de leur matériel, et font des efforts pour ne pas faire traîner leur sellette par terre, ne pas la salir, … Du coup, la première chose que l’on peut être amené à vouloir faire sur le décollage est de fermer le cocon pour éviter que celui-ci ne traîne par terre, masquant ainsi la visibilité sur les jambes.

Certains fabricants équipent donc la fermeture de leurs cocons avec un système anti-oubli connecté sur l’une des sangles de cuisse. Ainsi, lorsque l’on effectue l’action de fermer le cocon, on ferme en même temps l’une des cuisses de manière à empêcher la sellette de remonter (comme dans la vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=M-lT6Rw9m8k ) si aucune autre boucle ne vient à être fermée.

Les cockpits

De la même manière, les cockpits sont généralement accrochés rapidement, pour éviter de les faire traîner par terre, en risquant d’endommager les instruments posés dessus. Comme pour le cocon, ils peuvent alors créer un écran à la vérification visuelle de la fermeture des boucles.

Certains fabricants ayant pris en compte ce risque potentiel, ont équipé leurs cockpits d’un système anti-oubli qui relie l’une des cuisses à la connexion de ce même cockpit. La mise en place du cockpit entraîne donc automatiquement la fermeture de l’une des cuisses (comme pour les cocons, voir ci-dessus).

Anti-oubli « Maison »

Si votre sellette n’est pas équipé de l’un de ces systèmes anti-oubli, ou bien si vous redoutez de vous retrouvez un jour dans l’un des cas évoqués précédemment, il existe une solution simple à réaliser sur n’importe quelle sellette :

Il vous suffit de condamner l’une des boucles de cuisse en position fermée.

Pour ce faire, vous pouvez utilisez de l’adhésif, de l’élastique, un manchon néoprène, ou tout autre système qui vous empêchera d’ouvrir par inadvertance cette boucle. Pour l’installation dans la sellette, vous devrez passez votre jambe dans la cuisse fermée, et vous retrouverez ainsi immédiatement dans une situation qui vous empêchera de tomber de la sellette si vous oubliez de fermer les autres boucles.

CONCLUSION

Comme nous l’avons évoqué ci-dessus, les causes d’oubli sont d’origine humaines, et peuvent avoir différentes origines. Les fabricants essaient de fournir des solutions techniques permettant d’assister le pilote et de lui permettre d’éviter certaines situations dramatiques, mais ces solutions ne peuvent être considérées comme « parfaites » car elles nécessitent systématiquement une action du pilote qui devra réaliser les choses correctement pour garantir sa propre sécurité.

N’hésitez pas à diffuser et à partager cette réflexion au plus grand nombre, pour sensibiliser le plus de pilotes possibles à ce risque et éviter des accidents déjà trop nombreux.

 Nous avons la chance de pratiquer l’une des plus merveilleuses activités de pleine nature : voler

Alors prenez soin de vous, et bons vols !