Réflexion sur … les protections dorsales (MàJ Janv. 2024)

Une belle journée d’été, des thermiques généreux, pas de vent, en bref les conditions idéales pour voler et profiter de nos merveilleux engins volants !

Mais voilà que le temps du vol touche à sa fin, après un cross record ou un simple vol en local. Le pilote prépare son approche sur le terrain, entame sa finale, et se pose comme en douceur comme pour mettre le point final à cette journée magnifique.

Mais on le sait tous, tout ne se passe pas toujours comme dans le manuel ! Mauvaise prise de terrain, obstacles, brise importante, gradient de vent, turbulences, finale vent arrière, etc … Dans ces cas-là, l’approche sur le terrain peut devenir plus compliquée, et le posé moins doux. Les jambes restent le meilleur amortisseur pour poser en douceur, mais certaines fois cela n’est pas possible et le pilote finit les fesses par terre.

Comment faire pour limiter le risque de se blesser à chaque vol ?

Les fabricants ont depuis longtemps essayé d’équiper leurs sellettes de protections dites « passives », dont le but est d’absorber (à la place du pilote) le choc éventuel au contact du sol, et de disperser cette énergie pour limiter les blessures potentielles. La notion de sécurité « passive » est importante, car elle ne nécessite aucune action directe, en opposition avec la sécurité dite « active » qui implique directement le pilote par ses choix, sa gestuelle, son adaptation à la situation, etc …

Ces protections peuvent être de différents types, et ont chacune des avantages et des inconvénients (comme toujours !).

Quels sont les systèmes existants sur le marché ?
MOUSSE BAG :

La protection de type mousse bag, est composée d’un ou plusieurs pains de mousses, enveloppés dans une housse en tissu. Les épaisseurs, formes et densités peuvent varier. La mousse contenue dans sa housse de tissu, est constituée d’alvéoles et emprisonne de l’air. Lors d’un choc, cette mousse va se compresser et l’air contenu dans ses alvéoles va être chassé. Cet air va tenter de passer au travers du tissus de la housse (par porosité) et des coutures. C’est la difficulté qu’aura l’air à s’échapper qui permettra un effet amortissant, cumulée avec les caractéristiques intrinsèques de la mousse (densité) ayant également un effet d’absorption du choc. En raison du volume quasi-constant des mousses, les épaisseurs sont en général juste suffisantes pour offrir un amortissement correct. Plus l’épaisseur de mousse est importante, plus la protection a des chances d’être efficace. Il semble établi que pour un mousse bag « classique », une épaisseur inférieure à 15-17cm ne constitue plus une protection digne de ce nom.

La qualité d’une protection de type mousse bag provient donc :

  • De la qualité de la mousse
  • De l’épaisseur de mousse
  • Du cloisonnement des pains de mousses
  • De la qualité du tissu utilisé pour les housses
  • De la maitrise des fuites (débit et vitesse)

Après un choc, le mousse bag doit pouvoir retrouver ses caractéristiques initiales (forme, état de la housse), sans quoi il ne pourra certainement pas garantir un niveau d’absorption acceptable lors d’un choc ultérieur.

AIRBAG :

Le principe de l’airbag est le même : un volume d’air emprisonné, qui à la suite d’un choc va chercher à s’échapper. Les airbags sont en principe gonflés grâce au vent relatif généré lors du vol, qui pénètre à l’intérieur de la chambre grâce à un système d’écopes (différentes solutions existent : latérales, frontales) et de valves permettant de conserver l’air emprisonné. Le principe d’amortissement reste le même que pour le mousse bag : évacuer progressivement l’air contenu dans la chambre pour obtenir un effet amortisseur. Lors d’un choc, il faut un certain temps à la chambre pour se mettre « en pression » (l’air étant compressible) et commencer à jouer son rôle d’amortisseur en expulsant l’air au travers des différentes fuites existantes (porosité du tissu, coutures, système de valve).

Les airbags sont généralement plus volumineux que les mousse bag car ils prennent moins de place une fois repliés. Cette possibilité d’avoir des volumes gonflés plus importants offre aux airbags de meilleures caractéristiques d’amortissements que pour les mousse bag.

De même que pour le mousse bag, la qualité intrinsèque d’un airbag provient de :

  • Son épaisseur
  • Sa forme, permettant une mise en pression plus ou moins rapide
  • La maitrise des fuites (débit et vitesse)
  • La performance de ses écopes (placement et forme)
  • La qualité du tissu de l’enveloppe
Certains fabricants équipent leurs airbags d’une couche protectrice sous la sellette, qui permet de protéger l’enveloppe des agressions extérieures sans nuire à son bon fonctionnement. En effet, en cas de chocs, c’est souvent directement l’enveloppe de l’airbag qui subit les agressions. Il est facile d’imaginer que des chocs répétés vont endommager cette enveloppe, qui risque finalement de devenir trop fragile (porosité augmentée, déchirures, …) pour continuer à remplir son rôle efficacement.

MOUSSE A DEFORMATION :

la mousse à déformation, contrairement au mousse bag traditionnel, ne fonctionne pas sur le principe d’un volume d’air emprisonné qui absorbe l’énergie en se comprimant.
Ce type de protection se compose d’éléments plus « durs » qui vont se déformer sous l’effet du choc. On parle ici de déformation mécanique, tout comme sur les pare-chocs de véhicules modernes, qui absorbent l’énergie en se pliant progressivement.
Cette solution technique permet de réduire l’épaisseur de la protection, en obtenant de bons résultats aux tests de la norme. Sur les tests que nous avons effectués sur un prototype, les résultats étaient meilleurs que sur un mousse-bag 45 % plus épais.
En revanche, les tests réalisés pour des chutes de faible hauteur sont nettement moins bons que pour des airbags ou des mousse-bags. Ce type de protection nécessite un minimum d’énergie avant de commencer à se déformer, et ne sera donc pas très efficace sur les faibles impacts. Attention donc à ce point.

La qualité d’une protection de type « déformation mécanique » provient de :
– du type d ‘éléments mécaniques déformables
– de leur forme et de leur matière
de leur nombre et de leur agencement
Après un choc, ce type de protection est endommagé et ne peut être considéré comme opérationnel en cas de nouvel impact. Il est donc impératif de les vérifier régulièrement afin de détecter toute dégradation qui pourraient empêcher le bon fonctionnement de la protection.
Pour éviter de faire des protections totalement « jetables », les fabricants intègrent généralement cet aspect dans leur conception et font en sorte de pouvoir changer uniquement les modules endommagés.

PROTECTION GONFLABLE :

A la différence d’un airbag qui va comprimer l’air emprisonné et laisse échapper la pression par des fuites maîtrisées, un protection gonflable est étanche. Lorsque la pression augmente au moment de l’impact, c’est toute la structure de la poche qui va se déformer élastiquement pour offrir suffisamment de volume à l’air comprimé sans pour autant le laisser s’échapper.
Son comportement est proche de celui du mousse-bag, en étant tout de même bien plus efficace au niveau du test normatif (165cm).
Ce type de protection est plus efficace qu’un mousse-bag d’épaisseur équivalente, et comme lui n’a pas tendance à chasser sur le côté lors d’impacts désaxés. De l’airbag, il récupère la compacité de rangement une fois vidé.

La qualité d’une protection gonflable provient de :
– son épaisseur
– l’élasticité et l’étanchéité de la poche

Une protection gonflable est conçue pour être réutilisable, il faut néanmoins vérifier qu’elle n’a subi aucun dommage de type perforation, car dans ce cas elle ne serait plus en état d’accepter de futurs impacts.

Comment connaître les performances de ma protection ?

Pour pouvoir tester les protections et connaître leur efficacité, il a donc fallu déterminer un protocole répétable et si possible représentatif d’une situation réelle. Il a donc été décidé à l’époque, que le test devrait correspondre à l’arrivée au sol sous parachute de secours à 5.5m/s (environ 20km/h).

Les normes d’homologations des sellettes intègrent donc ce test pour les protections dorsales, permettant de déterminer si le niveau d’absorption des chocs peut être considéré comme acceptable vis-à-vis de ce que le corps humain peut encaisser sans causer de lésions importantes.

Le test effectué consiste en une chute verticale à une hauteur donnée (1m65), protection en place sur un mannequin de 50kg en position assise. Le dispositif enregistre l’énergie absorbée (en g) par la protection, ce qui correspond à l’impact encaissée par le pilote. Cet impact doit se situer au-dessous d’une valeur limite (50 g), et doit également avoir une durée limitée lorsqu’il dépasse certains seuils (<7ms si >38g / <25ms si >20g).

Cette valeur permet donc théoriquement de comparer différentes protections dorsales, en termes d’absorption « pure » d’un choc.

NOTE : Il existe également une certification CE obligatoire en France depuis 2017 pour mettre sur le marché des protections dorsales (EPI de niveau 2), amovibles ou non.

ATTENTION : ce test d’homologation ne représente qu’un seul et unique cas de figure correspondant à une arrivée au sol sous son parachute de secours ! Il ne faut pas le considérer comme une garantie que la protection concernée sera efficace en toutes situations. Le résultat de ce test ne représente qu’un petit aspect de ce que peut être amené à encaisser votre protection passive : chocs de travers, glissade, sur le dos, …

Quel système est le plus efficace ?

Il est rare qu’en situation réelle le pilote tombe parfaitement verticalement sur la protection. Il peut arriver de plus haut, de travers, avec une vitesse horizontale, … Les possibilités sont multiples.

Un airbag est souvent plus efficace qu’un mousse bag en cas de chute bien verticale, mais risque de « chasser » en cas de choc désaxé ou en glissade. Un mousse bag est lui plus lourd et encombrant, mais reste souvent plus en place lors de ce type de chocs. Un airbag sera également plus sensible aux chocs répétés puisqu’il subit directement les frottements et autres agressions. Un mousse bag se place à l’intérieur de la sellette, et reste donc plus protégé de ce genre de problèmes. Sa durée de vie est donc plus grande, et son remplacement est aisé à la différence de l’airbag qui fait souvent partie intégrante de la sellette. Il faut donc bien avoir conscience des avantages et inconvénients de chaque type de protection lors du choix de sa sellette.

Par ailleurs, il est important de prendre en compte aussi la zone de couverture de la protection. Le test n’étant effectué que pour une position assise dans une chute parfaitement verticale, qu’en est-il si le pilote est en position couchée, ou s’il part en arrière à l’impact (en cas de décrochage près du sol par exemple) ?

Prenons la situation théorique du test : chute parfaitement verticale en position assise. Dans la réalité le pilote est légèrement incliné (même en position assise). A l’impact, le centre de gravité se trouvant décalé en arrière par rapport à l’axe de chute, le pilote va partir en arrière et venir impacter le sol également avec le dos. Il n’est pas possible de le simuler lors du test, car le mannequin est monté sur des rails qui le maintiennent dans sa position verticale quoi qu’il arrive.

La norme EN 1651 actuelle n’impose aucune obligation sur la protection, que ce soit en termes de dimensions, d’emplacement, de forme, etc …

Le fabricant est donc libre de concevoir la protection de son choix, dès lors qu’elle est suffisamment efficace pour réussir le test.

Vous verrez donc certaines publicités vous vantant bien des qualités sur la protection :

  • Sécurité passive optimale
  • Protection extrêmement performante dans sa catégorie
  • Meilleurs résultats aux tests d’homologation LTF
  • Protection intégrale, des cuisses jusqu’en haut du dos
  • Protection dorsale intégrale

Attention cependant à bien analyser ce qu’il y a réellement derrière …

  • « Protection extrêmement performante » : Les résultats aux tests d’homologation peuvent être dans la limite, oui mais de combien ? Si on se retrouve dans les 40-50G, on voit qu’on est passé limite !
  • « Protection intégrale » : Puisque non testée dans le dos, la protection dans cette zone semble-t-elle satisfaisante ? quelle épaisseur ? quel système (airbag ou mousse bag) ? quel volume ? Certains fabricants annoncent une protection dorsale intégrale, mais avec seulement 4-5 cm de mousse dans la partie dorsale on est en droit d’en douter …
  • « Protection dorsale » :En cas de chute sur le dos, n’y a-t-il que la protection qui se trouvera entre le sol et mon dos ? Certains positionnements du parachute de secours au niveau des lombaires peuvent poser question en cas d’impact …

CONCLUSION :

Vous l’aurez compris, le résultat du test d’homologation est un élément à prendre en compte dans votre choix, mais ne peut suffire.

Il vous appartient en tant que pilote de comparer minutieusement les solutions qui s’offrent à vous sur le marché, en fonction de :

  • Vos attentes de vol (rando, compétition, cross, accro, etc …)
  • Votre niveau et votre expérience. Un débutant peut potentiellement en avoir besoin un peu plus souvent

Si vous avez des interrogations sur la protection dorsale de telle ou telle sellette, contactez le fabricant pour obtenir des précisions !

On dit souvent que : « le meilleur parachute de secours est celui dont on n’a pas à se servir », et bien c’est un peu la même chose pour la protection dorsale. Mais tout comme le parachute, il est important que la protection dorsale soit efficace si jamais on est amené à devoir l’utiliser.

BONS VOLS !