Réflexion sur … la résistance des connecteurs
Dans le monde du parapente, nous utilisons régulièrement des connecteurs pour relier nos différents supports : voile, sellette, élévateurs de secours, secours, écarteurs.
Il en existe de différentes formes : carré, trapèze, ovale, triangulaire, … de différentes matières : en métal, en textile (Dyneema), … et avec différents types de fonctionnement : à verrouillage automatique, anti-retournement, …
Chacun possède ses avantages / inconvénients, qui offriront une utilisation plus ou moins optimale en fonction de la zone où ils seront utilisés. Mais s’il est un aspect que nous avons tous à l’esprit lorsque l’on parle de connecteur, et qui « inquiète » certains, c’est leur résistance à la rupture. En gros, est-ce que ce connecteur que j’utilise ici est assez solide ?
Comment être certain que le modèle que l’on a choisi est suffisamment résistant aux différentes charges qu’il devra subir ? Il y a les normes pardi !
Il en existe pour la voile, pour la sellette, pour les écarteurs, pour les parachutes de secours, mais en vol libre il n’en existe pour l’instant aucune concernant les connecteurs qui sont pourtant le lien entre tous ces éléments.
Observons chacune des normes existantes, pour voir ce que nous pourrons trouver comme valeur de résistance préconisée sur les différents points où pourraient se retrouver des connecteurs.
PARAPENTE : Norme EN 926-1&2
La partie 1 concerne la résistance structurelle, et la partie 2 porte sur le comportement en vol. Nous allons donc uniquement nous intéresser à l’EN 926-1.
Dans le cadre de cette homologation, la voile subit 2 tests : l’un va faire subir un choc violent (1000 DaN à 1200DaN) à la voile qui devra en sortir indemne (c’est le fusible calibré qui doit céder et non la voile ou ses composants), et un test de résistance structurelle qui consiste en une montée en charge, voile gonflée à l’arrière d’un véhicule, jusqu’à un maximum de 8G soit 8 fois le PTV maxi de la voile concernée. Une fois cette valeur atteinte, la voile est libérée pour être analysée. Aucun dommage structurel ne doit être observé. Cette charge se répartie sur l’ensemble de la voilure, le tissu, les coutures, les suspentes, mais également sur les élévateurs. Et ce sont eux qui vont recevoir les connecteurs permettant de relier la voile à la sellette.
Avec ce test, on peut donc en déduire que la tenue minimale exigée sur chaque élévateur (et donc sur le connecteur associé) doit être de 8 fois le PTV de la voile, divisée par 2 (pour chaque connecteur). Pour une voile de 145kg de PTV maxi, on arrive à une résistance mini de 5,8KN sur chaque connecteur. (8x G x 145)/2 = 5,8KN (avec G arrondi à 10m/s²)
Dans le cas d’une voile conçue pour le vol en biplace, chaque connecteur reliant les écarteurs à la voile devra avoir une résistance mini de 9,6KN. Avec un PTV de 240kg chargé à 8G.
ECARTEURS : Norme LTF NfL II 91/09
Une charge correspondant à 9G du PTV maxi est appliquée sur la connexion voile, en prenant comme point d’ancrage la connexion pilote et la connexion passager (point haut et point bas successivement). Les mêmes tests sont effectués avec le point d’ancrage du parachute de secours. Pour un PTV maxi de 240kg sur les biplaces, on obtient une valeur de charge de 21,6KN (avec G arrondi à 10m/s²). Soit 10,8KN sur chaque écarteur.
PARACHUTE DE SECOURS : Norme EN 12491
Considérant le parachute de secours et son lien avec la sellette, il n’est malheureusement pas possible de se référer à une valeur de résistance chiffrée en KN. En effet, le test structurel n’est pas réalisé de la même manière que sur les voiles avec une montée en charge et un fusible calibré. Le parachute de secours et son système de test sont largués à une hauteur suffisante pour atteindre une vitesse de 60m/s (au plus contraignant), puis l’ouverture est déclenchée. Le parachute doit résister à ce test sans aucune détérioration. Malheureusement, il n’est pas possible d’en extraire une valeur en KN qui nous aiderait à définir la résistance minimale du connecteur de liaison avec les élévateurs de secours ou la sellette (si les élévateurs de secours font partie intégrante du parachute de secours). Nous allons devoir trouver une autre piste pour déterminer cette valeur …
SELLETTE : Norme EN 1651
La sellette est l’élément central de l’équipement du parapentiste. C’est sur elle que vont venir se fixer la voile et le système de secours (parachute et élévateurs), en direct ou grâce à différents connecteurs. La norme référence va donc être primordiale en ce qui concerne la solidité structurelle attendue des connecteurs.
Pour tous les tests de résistance structurelle, la norme prend en référence une masse pilote de 100kg. Pour cette référence, la charge la plus importante soumise durant les essais est de 15000N (15KN), ce qui équivaut à une accélération de 15G. Pour rappel, l’accélération prise en compte sur les voiles est de 8G. Si des constructeurs souhaitent homologuer la sellette pour une masse supérieure à 100kg, le test sera pondéré grâce à un facteur correcteur correspondant à (Mc / Mref), où Mc est la masse testée et Mref la masse référence de 100kg. Pour un test à 120kg, on a donc un facteur de (120/100)=1,2 qui viendra mettre à jour l’ensemble des valeurs de charge. Pour la valeur maxi de 15KN, on aura 15 x 1,2 = 18KN.
Concernant la connexion de la voile, on a un test qui applique 15KN de manière symétrique, et qui applique donc 7,5KN sur chacun des points d’ancrage. Idem pour les ancrages des élévateurs de secours aux épaules. En cas de masse pilote supérieure (120kg), la valeur mini sur chaque ancrage passe à 9KN.
Il existe une particularité dans cette norme concernant les élévateurs de secours. Si ceux-ci sont fournis et fixés de manière définitive sur la sellette, la valeur de test est bien de 15KN. En revanche si ceux-ci sont détachables ou fournis séparément, la valeur de charge appliquée sur les élévateurs de secours passe à 24KN ! Ce qui nous donne théoriquement une résistance mini de 12KN sur les connecteurs qui devront venir les relier à la sellette.
Pas facile de s’y retrouver, hein ?
Les dessins suivants vont nous permettre de mettre en relation ces différentes valeurs, et nous aider à y voir un peu plus clair. Pour chaque norme, une couleur et la valeur mini de résistance associée.
Norme Parapente : EN 926
SOLO
PTV Max 145kg x 8G = 11,6KN
BIPLACE
PTV Max 240kg x 8G = 19,2KN
Norme Ecarteurs : LTF NFL II 91/09
PTV Max x 9G (Pour 240kg = 21,6KN)
Norme Sellette : EN 1651
(Pour une masse pilote de 120kg)
Norme Secours : EN 12491
CONCLUSION
Notre analyse précédente nous a montré que pour être en concordance avec les différentes résistances minimales exigées dans les différentes normes, les valeurs des connecteurs doivent être les suivantes :
– Connexion sellette / voile solo : 7,5KN pour une sellette homologuée à 100kg ,et 9KN pour 120kg
– Connexion sellette (pilote ou passager) / écarteurs en biplace : Idem, 7,5KN ou 9 KN
– Connexion écarteurs / voile biplace : 10,8KN
– Connexion élévateurs de secours / secours solo : 15KN si sellette homologué à 100kg, et 18KN si 120kg : ATTENTION : uniquement si les élévateurs sont livrés montés à demeure sur la sellette et non-démontables !
– Connexion élévateurs de secours / secours, si les élévateurs sont livrés séparément et démontables : 24KN. Valable en solo ou en biplace.
– Connexion sellette / élévateurs de secours (si démontables) : 7,5KN pour une sellette homologuée à 100kg ,et 9KN pour 120kg
– Connexion écarteurs / secours biplace : 12KN
Les connecteurs actuels disponibles sur le marché ont globalement une résistance annoncée allant de 18KN à 26KN, qu’ils soient en Zicral ou textile. Les connecteurs acier peuvent monter jusqu’à 28KN de résistance, et certains connecteurs textiles jusqu’à 30KN !
Les valeurs de résistance se trouvent normalement inscrites directement sur les connecteurs, lorsque cela est possible.
Ils sont donc suffisamment solides dans la plupart des cas, pour peu qu’on les choisissent judicieusement et qu’on les utilisent en une position adéquate. Mais comme vous l’avez vu ce n’est pas forcément simple tant les différentes normes ne sont pas en phase ! Le meilleur moyen d’être serein reste donc de n’utiliser que des connecteurs pouvant convenir à n’importe quel usage, et possédant donc une valeur de résistance supérieure à 24 KN, qui est la valeur mini la plus importante au sein de toutes ces normes (Dans l’EN 1651 à propos des élévateurs de secours indépendants). Vous pourrez retrouver cette valeur inscrite sur chaque connecteur. En cas de doute, n’hésitez pas à contacter directement le fabricant pour qu’il puisse vous donner de plus amples informations.
Attention toutefois à bien prendre en compte les autres caractéristiques (verrouillage, travail multi-axes, travail en fatigue, dimensions) de chaque connecteur avant de leur attribuer un rôle
Nous vous invitons à parcourir la « Réflexion sur … Les connecteurs » où vous trouverez de plus amples détails.